RolanddelaPoypeMarcelAlbert

Compagnon de la Libération, héros de l’Union soviétique, grand-croix de la Légion d’honneur, ils sont deux dans notre histoire à avoir réuni ces distinctions exceptionnelles. Roland de la Poype, Marcel Albert.

Deux frères d’armes qui furent l’honneur de la France d’avoir traversé le monde pour se retrouver aux côtés de leur frères russes et résisterà la barbarie nazie.

Deux preux dont l’amitié incarnait le tissu recousu de la France.

Marcel Albert, le titi métallo de Billancourt et Roland de la Poype, l’aristo lunaire d’Anjou.

C’est l’épopée du Normandie-Niémen, voulu par le Général de Gaulle, contre l’avis des alliés anglo-saxons,

Groupe de chasse numéro 3, quatorze pilotes, cinquante mécanos, débarqués sur la terre russe en novembre 1942 alors que la Bataille de Stalingrad bat son plein.

De ce premier contingent, quatre pilotes revinrent vivants.

Pendant trois années, cette poignée de Français libres va arpenter l’immensité russe pour témoigner de la fraternité de la France face à l’ennemi fasciste.

Au final, le meilleur score de la chasse française avec 273 victoires homologuées. Quatorze d’entre elles furent le fait de Roland de la Poype.

Roland de Roncevaux avait entre ses mains Durandal, Roland de la Poype a un Yak, le n°24 sur lequel son mécano a peint une gueule de requin.Il appartient au 18ème régiment de la Garde commandé par le colonel Goboulov, unité de la prestigieuse 303ème division aérienne sous les ordres du général Zakharov.

Mais le résultat de la présence du Normandie aux côtés des Russes ne se réduit pas à un score, elle refonde les bases légendaires d’une amitié entre les peuples qui dure encore.

Pour résumer cette épopée, Roland citait un exploit de pure fraternité qui, lorsqu’il l’évoquait, soixante ans après, lui nouait encore la gorge : le sacrifice de Maurice de Seynes. La tradition sur le front russe était d’emporter lors des vols de liaison, dans la soute du Yak, le mécano attitré de l’avion. L’affection qui se tissait entre le pilote français et le mécanicien russe sont des liens que seules les misères d’une pareille guerre permettent de tisser.

Le 15 juillet 1943, lendemain de la fête nationale française, changement de terrain. Les quatre escadrilles décollent les unes après les autres du terrain de Doubrovka. Maurice de Seynes emmène Vladimir Bielozoub, coincé derrière le siège du pilote, dans la soute, sans parachute. Au bout de quelques instants, de Seynes revient, l’habitacle envahi de fumée. Aveuglé, tentative après tentative, de Seynes essaie de se poser… Vainement. Le commandement français puis russe, lui ordonne d’abandonner son avion et de sauter en parachute. La vie d’un pilote expérimenté est une denrée rare et précieuse. Seynes refuse. Sauter, c’est abandonner Bielozoub. Les camarades restés au sol entendent la respiration oppressée de leur camarade qui se mure dans le silence. Tous approuvent dans leur cœur le choix de Maurice. Ils feraient de même. Quelques instants plus tard, à l’issue d’une ultime tentative, l’avion percute le flanc d’une colline proche. Maurice de Seynes et Vladimir Bielozoub ont été enterrés côte à côte dans la terre de Doubrovka. A la fin de la cérémonie, les enfants du village sont venus déposer un bouquet tricolore de fleurs des champs sur les tombes des deux amis.

Une semaine plus tard, à l’issue des féroces combats entourant le franchissement du fleuve Niémen, Staline accordait au groupe de chasse Normandie la dignité d’accoler à son nom celui de Niémen.

En Russie, le nom des deux héros et le nom de Normandie-Niémen sont toujours connus par tous les écoliers et toujours enseignés avec respect.

Sans le Normandie-Niémen, sans les étoiles de Héros de l’Union soviétique accordés à quatre de ses aviateurs, sans le baiser à la Russe, sur la bouche, que Staline donna à Pouyade, le commandant du désormais célèbre Neu-Neu, selon son surnom familier, à la Noël 1944, les accords signés entre la France et l’Union soviétique la même nuit ne l’auraient pas été ; la France n’aurait sans doute pas été autorisé par Staline à figurer à la table des vainqueurs de Berlin, le 8 mai 1945.

L ‘épopée Normandie-Niémen nous enseigne qu’il n’est pas de grande politique durable sans humanité.

Ces garçons de vingt ans qui firent sérieusement, la guerre dans l’honneur jusqu’à la victoire, aimaient rire, vivre, aimer. Ils faisaient juste leur devoir de Français, sans lequel il ne peut exister nulle prétention à l’exercice d’aucun droit. A côté de La Poype, Albert, le duo légendaire du Normandie, Marcel Lefèvre , Jean de Pange, Pierre Pouyade, Joseph Risso, les mécanos Georges Marcelin, Alexandre Kaprolov.

Fraternité des gens de l’air…

Et puis les amis d’Angleterre Jean Maridor, Christian Martell, Charles Ingold, Henri de Bordas, Claude Raoul-Duval, Pierre Clostermann, Paddy Finucane,« We few, we happy few, we band of brothers », disait Shakespeare. La France libérée, Roland de la Poype a quitté l’uniforme, pris un métier,épousé une femme, fondé une famille qu’il a profondément aimée. Entrepreneur visionnaire, il réinvente l’industrie du plastique. Il créé le berlingot Dop, dessiné par Vasarely, ce conditionnement de shampoing commode et bon marché qui révolutionne l’hygiène en France. Ses emballages plastiques de l’agroalimentaire sont les plus présents en Afrique et en Amérique latine.

Maire de Champigné, membre actif de l’Aéro-Club de France, la maison des ailes françaises, plus ancienne institution aéronautique au monde et dont il reçu comme Guynemer la grande médaille d’or. Roland touche à tout ; il invente une voiture économique, écologique, modulable, la Méhari, présente dans tous les musée de design. L’environnement pour lui est une passion avant qu’elle ne soit une mode.

Il fonde le Marineland d’Antibes afin de permettre à ses contemporains de connaitre la vie des grands animaux marins. Mais au milieu de ce parc éblouissant, il dresse un magnifique musée de la marine ainsi qu’un autre rendant hommage au débarquement de Provence d’Août 1944. La distraction se conjugue alors à la connaissance, à l’histoire, à la culture.

On n’en finirait pas d’évoquer les projets futuristes que Roland de La Poype, jusqu’au bout, ne cessait d’imaginer. Au final, il aura fait plusieurs fois fortune, réinvestissant à chaque fois le gain accumulé afin d’entreprendre une nouvelle aventure. La preuve par trois, en des temps où la cupidité est louée par les petits et les grands, que l’on peut faire fortune et enrichir la collectivité. Toujours léger, il refusait farouchement tout statut d’icône, moquait tous ceux qui l’abordaient avec componction et solennité.

Il détestait les contraintes mais vouait une incroyable fidélité à la parole donnée.

Roland s’est éteint rempli des forces que donne l’amour en tenant la main de son épouse Marie-Noëlle,de cet amour plus fort que la mort, qui continue une fois la terre quittée.

 

Max Armanet